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vredesconferentie 2010: Irak, une guerre profitable
Dossier
19 minuten

 

VIième conférence pour la paix. – A qui profite la guerre ?

13 mars 2010

 

GT 3 :Irak, une guerre profitable – Jean Bricmont (UCL)

Retranscription de son intervention

 

 

Introduction :

 

Jean Bricmont n’est pas d’accord avec le titre de l’atelier car la guerre n’est pas profitable. Il est sceptique par rapport aux attributions des guerres aux causes économiques et pose une réflexion sur le phénomène endémique dans l’histoire de l’humanité.

Il apporte 3 types d’analyses :

  • Marxiste – où les guerres sont dues aux intérêts économiques de la classe dominante, aux intérêts des libéraux. C’est un intérêt collectif qui justifie les guerres.

  • Bureaucratique – présente des groupes d’intérêts spéciaux, des groupes de particuliers dans la nation. Ex. : le groupe Halliburton n’est pas une compagnie importante et ne détermine pas la politique étrangère américaine.

  • Groupes de religions – où la bourgeoisie dissout tous les liens traditionnels. Groupes dans lesquels les conflits ethniques et religieux sont des conflits économiques déguisés.

 

Il faut clarifier les débats et le rôle autonome de l’idéologie. La lutte des classes a fait très peu de morts. Mais il y en a beaucoup eu dans des luttes soi-disant des classes qui, en réalité, sont apparemment religieuses et nationales. Pourquoi les conflits sont-ils si violents ? Les seules luttes de classes qui ont fait autant de morts en Europe sont celles des Brigades Rouges… ou du terrorisme, mais ces gens-là n’étaient pas liés à la classe ouvrière. Ce n’était pas une vraie lutte des classes, c’était du fantasme. C’était donc aussi d’une certaine façon quelque chose de religieux.

 

Il y a 3 exemples :

  • WW I – Référence au livre de Bertrand Russell : « La pratique et la théorie du bolchévisme ».

Selon Jean Bricmont, c’est certainement le plus grand penseur pacifiste du XXième siècle et il devrait être une référence dans le mouvement de la paix. Il a écrit un livre sur la pratique du gouvernement russe en 1920 avant Staline, à l’époque de Lénine, Trotski… Russell était extrêmement lucide sur ce qu’allait devenir l’Union Soviétique. La théorie est une critique du marxisme et en particulier de la théorie marxiste des guerres, plus précisément lors de la Première Guerre Mondiale. Dans son livre, Russell fait une remarque pertinente : « Si un Anglais déteste les Allemands pour des raisons nationalistes, comme il y a des gens qui détestent d’autres peuples, ce n’est pas niable. Il va dire :

  • s’il est idéaliste, qu’il leur fait la guerre pour la démocratie ;

  • s’il est matérialiste, qu’il leur fait la guerre parce que les Allemands ruinent son commerce, ses intérêts économiques.

Les marxistes, ajoute Russell, percent le premier subterfuge, mais pas le second ».

Exemple : si vous dites que vous faites la guerre pour la démocratie, le marxiste dira que vous la faites pour le grand capital, mais si vous dites que vous faites la guerre pour des raisons économiques, ce n’est pas plus vrai que si vous la faisiez pour la démocratie. Le deuxième subterfuge est utilisé comme une preuve, une espèce d’aveu. Il se peut que le capitalisme soit sous l’influence d’un groupe de pression organisé, c’est l’exemple de Halli Burton ou des lobbys ou sous l’emprise d’une idéologie nationaliste ou religieuse.

 

  • Guerre du Vietnam – Analyse de l’époque en termes économistes. Si on regarde l’opposition à la Chine et à la guerre du Vietnam… Qu’est-ce que les capitalistes américains ont gagné ? Ils ont perdu la guerre dans cette affaire ; et quand elle s’est terminée et que les choses se sont apaisées, les Vietnamiens et les Chinois ont appelé les capitalistes américains et leur ont donné de la main d’œuvre (les communistes) pour installer leurs usines. Si les capitalistes américains avaient été malins et lucides, ils auraient vu (comme l’a apparemment dit Staline) que les communistes chinois étaient comme des radis : rouges à l’extérieur et blancs à l’extérieur. Ce n’était pas le cas de Mao Zedong, mais c’était des nationalistes, des impérialistes qui voulaient faire sortir leur pays du féodalisme et du colonialisme. Mais qu’ils le fassent d’une façon ‘socialiste’ ou ‘capitaliste’, c’était l’intérêt national qui primait avant tout ! S’ils avaient compris cela, il n’y aurait pas eu la guerre au Vietnam ou en Chine. Quand on regarde la dynamique de cette guerre, on voit de nouveau le poids des lobbys (du lobby catholique, des missionnaires qui avaient été chassés parce qu’ils étaient vus comme des agents de l’impérialisme). Ils ont été chassés par les maoïstes en Chine et se sont réfugiés aux Etats-Unis. Si on réfléchit en question de guerre, c’est tout à fait inutile. Référence à Mc Namara dans le film : « Le brouillard de la guerre ».

 

  • Moyen-Orient – Il y a plusieurs guerres : la guerre au Liban, la guerre à Gaza, les menaces contre l’Iran, la guerre en Irak, il y a évidemment l’occupation des territoires, la judaïsation de Jérusalem, la guerre en Afghanistan… Mais il ne faut pas tout mettre dans le même panier. Toutes ces guerres doivent être analysées cas par cas. Un cas très évident qui n’est pas économique : la judaïsation de Jérusalem. Ils veulent mettre des colonies juives à Jérusalem Est mais tous les capitalistes du monde s’en moquent complètement ! Brezinski qui est un capitaliste et un impérialiste a dit « que s’il y avait la paix, ces territoires occupés pouvaient à nouveau être Singapour. Il y a de la main d’œuvre à merci, relativement éduquée, qui n’a pas d’autre alternative… que demander de mieux d’un point de vue capitaliste ? Tant qu’il n’y a pas la paix, on ne va pas mettre son argent dans un truc qui va être bombardé demain par Israël parce qu’il y a des terroristes… et ses dommages collatéraux ». Dans cette histoire ‘massue’, il n’y a aucun intérêt économique, mais il y a un groupe de gens, les Juifs les plus sionistes (pas tous) qui pensent que Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif et de lui-seul ; alors que, historiquement, c’est évidemment important pour les Chrétiens qui n’osent rien dire et pour les Musulmans qui n’ont pas la force de dire grand-chose… Et évidemment pour les trois religions dites du Livre, c’est une ville très importante ; et les Juifs disent que c’est à eux et rien qu’à eux, et veulent judaïser Jérusalem Est. C’est un conflit purement ethnico-religieux. L’occupation des territoires, c’est la même chose, ils n’ont pas besoin des territoires. On dit qu’il y a de l’eau, mais l’eau, ça s’achète et ce n’est pas très fort vu la force de leur économie, comparée aux dépenses militaires…

 

Il ne faut jamais oublier l’aspect irrationnel qui est à la base de toutes ces politiques. Avec l’Iran, c’est pareil. Chirac a dit un jour de façon tout à fait raisonnable : « Si les Iraniens avaient une bombe atomique, elle ne ferait pas 200m en l’air avant que l’Iran ne soit complètement détruit par les armées américaines, israéliennes… Ils ne vont donc jamais l’utiliser en premier, ce n’est donc pas une menace ». Il n’empêche que tout le monde fait un foin sur l’Iran car parait-il qu’ils pourraient avoir l’arme atomique. Ok il faudrait désarmer, éliminer les armes atomiques, mais pour cela, il faut commencer par les puissances qui en ont beaucoup, pas par celles qui n’en ont pas…

 

En Irak, c’est plus compliqué, mais il faut laisser de côté l’Irak et l’Afghanistan parce que les calculs clairs, c’est le soutien américain à Israël.

 

Citation de Bertrand Russell pour conclure : « Marx a hérité des économistes rationalistes du XVIIIième siècle l’idée que l’intérêt économique était la motivation principale de l’action humaine, mais c’est ignorer l’océan de folie sur lequel flotte de façon incertaine la fragile barque de la raison humaine.  Ca les rend procustéens dans leur traitement de la vie de l’instinct ». Les Etats modernes sont beaucoup moins rationnels que ce que l’analyse marxiste (ou libérale d’ailleurs) ne tend à faire croire et évidemment ça a de l’importance pour les mouvements de la paix parce que c’est aussi une tradition que l’on retrouve chez Russell et chez un certain nombre de pacifistes qui est de dire si on veut lutter contre les guerres, il ne suffit pas de renverser le capitalisme ou ce n’est peut-être pas la première chose à faire mais il faut lutter contre les fauteurs de guerre, contre les instincts nationalistes et religieux et il faut lutter pour une autre éducation… et toutes ces démarches là ne vont pas dans le sens de l’analyse économiste ; parce que si vous voulez une analyse économiste, on renverse le capitalisme, on en construit du socialisme et puis c’est terminé, il n’y aura plus de guerre ! Mais si vous avez l’analyse qu’il y a d’autres facteurs, alors vous essayez de lutter contre ces autres facteurs en faveur de la rationalité, en faveur de la lutte contre le nationalisme et la religion… et ça c’est un autre programme…

 

Interventions et débat :

 

  • Q1 : Il y a une sous-estimation du poids des idéologies… N’y a-t-il pas une contradiction entre la matière et l’idéologie ? C’est problématique car si on regarde les analyses structurelles ou les analyses économiques souvent elles-mêmes sont porteuses d’idéologies. Une vision capitaliste de l’économie est aussi une vision idéologique des structures économiques. Comment peut-on alors différencier les deux choses ? Il n’y a pas vraiment de position pré-idéologique et c’est une approche théorique. En quoi une analyse économique est-elle aussi porteuse d’une certaine idéologie et que l’économie ne peut pas vraiment s’abstraire de l’idéologie ?

  • Q2 :La religion n’est-elle pas plutôt là pour légitimer une guerre ?

 

Réponses : D’accord que l’économie néolibérale se justifie par une idéologie, mais ce n’est pas la même chose que la guerre.

Exemples d’interventions quasi militaires américaines qui sont directement liées à l’économie :

  • Mosaddegh en Iran, en 1953, les Américains instaurent un coup d'Etat en faveur, en fait, des compagnies pétrolières anglaises, mais sont contre la nationalisation du pétrole. Mais après Mosaddegh, il y a eu cette nationalisation du pétrole, le premier à l’avoir fait était Saddam Hussein en Irak et maintenant, c’est un peu partout. Et il n’y a pas de réelle reprivatisation du pétrole parce que les compagnies pétrolières se sont adaptées à la nationalisation du pétrole. Et donc, ce qui paraissait un danger insurmontable ne l’était pas.

  • Arbenz au Guatemala, en 1953, il était contre les intérêts perçus de la United Fruit Company, mais cette compagnie se porte encore bien sous un autre nom, malgré Arbenz.

Il y a à travers ces exemples un lien direct entre la perception des intérêts économiques et des interventions qui ne sont pas des guerres, parce que c’est trop facile. Mais il peut y avoir des contradictions entre les deux et le Moyen-Orient en est un exemple… Autre exemple : l’hostilité à la Chine et la guerre en Indochine n’a fait que retarder la transition du capitalisme dans ces pays qui n’étaient pas dans l’intérêt des capitalistes. Dans le cas du Moyen-Orient, un nombre croissant d’Américains qui n’ont pas d’intérêt de soutenir Israël. Il y a soi-disant tout la technologie israélienne. Mais les Israéliens n’ont jamais rapporté une goutte de pétrole ! Ils ne sont jamais intervenus ! En 1991 et en 2003, les Américains ont supplié les Israéliens de ne pas intervenir car ça aurait fait effondrer leur coalition arabe. Ca ne les aide absolument pas, or, la raison pour laquelle ils font ça, c’est parce qu’ils sont juste coincés à cause du lobby. Si la classe dirigeante américaine qui n’est pas entièrement liée au lobby, qui n’est pas entièrement juive pouvait se mettre d’accord et dire que c’est fini, ils finiront peut-être par se mettre d’accord un jour et il y aura un changement dans la politique américaine. Pour l’instant, c’est vraiment comme ça que ça marche. Les pressions sur les campagnes électorales et les pressions sur le Congrès sont telles que rien ne peut bouger.

Au Qatar, c’est un conflit symbolique majeur, mais il n’y a pas d’intérêt économique, c’est une politique de puissance.

Dans les motivations capitalistes, il faut voir ça comme des cas particuliers d’une motivation de puissance et de domination qui elle, est antérieure au capitalisme et traverse les âges. Le capitalisme, sous la forme de domination financière, est une forme particulière de puissance, mais ce n’est pas la seule forme de puissance au monde ! Les rois de France illustraient une autre forme de puissance.

Si l’on dit aujourd’hui au prolétariat américain que l’on doit abandonner sa voiture, son chauffage ou faire la guerre pour le pétrole, il va faire la guerre pour le pétrole. Si l’on dit qu’il faut laisser tomber Israël, il va laisser tomber Israël. Il ne faut pas pour autant donner des arguments qui sont faux pour des raisons pragmatiques. Si l’on dit aux gens que c’est une guerre pour le pétrole, à part les gens les plus altruistes, ils vont être d’accord avec cette guerre, car ils ont besoin du pétrole ou alors il faut leur donner une alternative au pétrole.

 

  • Q3 : Si c’est vrai qu’on dit aux gens que c’est pour le pétrole qu’on va faire cette guerre et qu’ils l’accepteront… Pourquoi alors utiliser un maquillage humanitaire et ne pas dire aux gens qu’on y va parce qu’ils doivent faire le plein de leur auto ? Quand on dit que telle guerre ne sert pas le capitalisme, c’est peut-être vrai, mais d’un autre côté quand on parle de groupe particulier d’intérêt, on pourrait aussi parler d’entreprise particulière et donc, une entreprise peut bien tirer son épingle du jeu par rapport à tel conflit, sans pour autant que ça profite à la classe capitaliste. Il y aurait donc des motifs économiques qui seraient liés à des entreprises particulières plutôt qu’aux capitalistes en tant que classe et donc ce n’est pas une réfutation de l’explication économiste, c’est juste un focus…

  • Q4 : L’économie est le lien avec le bien-être de l’homme, on travaille pour ça et pour le profit aussi, mais pas toujours. On fait progresser l’économie en faveur de l’homme. Oui à l’économie éthique, mais comment le faire dans le monde actuel ?

  • Q5 : Le catholicisme n’est pas une religion du Livre, l’autorité, c’est le magistère, c’est la multinationale qui est à Rome avec son PDG et son conseil d’administration, c’est ça la loi et les prophètes… Ensuite, on a parlé de nationalisme et de religion. Si les deux s’allient, c’est un mélange explosif détonnant, or ce qui nous sécurise, comme on l’a appris dans notre éducation judéo-chrétienne, le nationalisme est une idolâtrie, c’est une des pires des choses… Maintenant, c’est la discussion sur la rationalité : au point de vue philosophique, si on prend Thomas d’Aquin, il n’y a rien de plus rationnel que lui, c’est Aristote un petit peu amélioré, puisque les connaissances ont augmenté. Il n’y a rien de plus rationnel que la théologie catholique.

  • Q6 : Actuellement, il y a une construction d’idéologie nationaliste, c’est-à-dire l’idéologie de l’Union Européenne. L’UE est économique mais justement ce n’est pas une idéologie qui est capable d’unir les gens, car ça les divise car c’est la concurrence et c’est chacun pour soi. Donc l’UE adopte les Droits de l’Homme, c’est une idéologie qui devient vite une idéologie de mission civilisatrice et qui peut être très facilement manipulée et qui l’a déjà été, dans la guerre du Kosovo par exemple. Les Américains ont utilisé cette stratégie pour s’affirmer seule puissance en Europe et faire revivre l’OTAN, ça a servi à cela, c’était leur seul but. Et les Européens ont été entrainés parce que pour eux, c’était la possibilité d’affirmer leur dévotion aux Droits de l’Homme et ont donc été complètement dupes en se montrant dévoués ils se sont mis sous la coupe des Etats-Unis et de l’OTAN et ils y restent et ça les entraine aussi en Afghanistan…

  • Q7 : Suite à ce que Monsieur Bricmont a dit, l’idéalisme de la guerre au Moyen-Orient, le matérialisme, les terroristes… ce n’est pas du shopping ! Pourquoi les kamikazes sont-ils les enfants des pauvres palestiniens et pas des nôtres ?

  • Réponses : Jean Bricmont a voulu mettre en question l’analyse économiste des guerres, mais il a dit que dans les trois analyses qui sont avancées traditionnellement, il y a du vrai dans les trois, mais que les proportions varient d’une situation à l’autre. Tout le monde parle d’Halli Burton, mais les gens ne se rendent pas compte combien ils sont peu marxistes quand ils parlent de ça, parce que dans le marxisme, c’est l’intérêt de la classe qui est mis en avant et pas l’intérêt d’une entreprise particulière qui en plus n’est même pas très importante aux Etats-Unis. Si Halli Burton peu gérer la politique étrangère américaine, ce n’est pas plus paradoxal de dire ça que de dire que c’est le lobby sioniste, qui représente beaucoup plus d’intérêt et d’argent qu’Halli Burton. Donc les gens parlent d’Halli Burton comme motivation de la guerre en Irak, mais disent que c’est absurde qu’un lobby sioniste qui représente 2% de la population puisse influencer la politique américaine. Si Halli Burton le peut, les sionistes encore plus, c’est bien plus facile à expliquer. Il faut alors introduire d’autres éléments dans l’analyse une fois qu’on accepte Halli Burton, mais pas comme cause de la guerre, ce n’est pas tenable, même s’ils font du profit. Il faut se rendre compte que des activités économiques, il y en a tous les jours, même dans des économies planifiées. Pour revenir à l’impérialisme humanitaire, ça a été écrit par Jean Bricmont contre l’idéologie car il la prend au sérieux et parce qu’il pense que ce qui a inhibé le mouvement de la paix et qui a été des points importants de la guerre du Kosovo, c’est que avec cette guerre, on a justifié la guerre pour les Droits de l’Homme et alors qu’on avait des centaines de milliers de gens dans les rues, à l’époque des missiles en Belgique, à l’époque où l’Union Soviétique avait des missiles, à l’époque où Mitterrand disait que les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles à l’Est, à l’époque où il y avait une propagande de guerre froide très forte… il y a eu des centaines de milliers de personnes dans les rues en Belgique et ailleurs contre les missiles et on n’a plus jamais eu ça après parce que dans les années 80 et 90 l’idéologie des Droits de l’Homme s’est imposée comme justification des guerres ! Il faut être réaliste, on vit dans une politique de fantasme au niveau de certains mouvements de la paix ! Il faut démystifier l’argument idéologique, l’analyse marxiste des guerres peut être utilisée comme argument pour la guerre ! Jean Bricmont a écrit dans un autre ouvrage que les intellectuels sont souvent assez malins pour comprendre que l’argument sécuritaire, le terrorisme est surfait, mais à eux on vend l’idéologie de l’impérialisme humanitaire et pour les gens plus ordinaires, moins intellectuels, on vend l’argument du terrorisme et on leur fait peur avec ça ! Deux publics différents, c’est donc important pour le mouvement de la paix d’attaquer les deux, il aussi se rendre compte qu’il y a un argument idéologique et religieux. Jean Bricmont est désolé mais n’est pas venu pour parler de théologie, même s’il parle bien de guerres de religions. Et les guerres de religions ne sont pas réductibles à des conflits économiques, un des arguments donnés c’est qu’elles sont vraiment violentes. Sur la question concrète du Moyen-Orient, il n’a pas de réponse à toutes les questions… L’histoire du matérialisme et de l’idéalisme, c’est aussi quelque chose qui est très bien expliqué par Russell. Comme doctrine philosophique, on est matérialiste et on n’est pas idéaliste, mais ce qu’on appelle le matérialisme historique dans le marxisme ou ce qu’on appelle l’analyse économique de la société, ce n’est pas la même chose que le matérialisme au point de vue philosophique, c’est très différent. Les gens agissent en fonction de leurs désirs ou de leurs idées. Le matérialisme dit qu’en dernière instance, les idées sont des éléments matériels dans le cerveau, ça c’est la thèse du matérialisme, pas d’âme séparée du corps qui est le siège de la pensée, mais ça ne veut pas dire que ce qui motive ou ce qui explique ce qu’il se passe dans votre ‘esprit-cerveau’ est essentiellement économique par opposition à des passions de types nationalistes religieux, ce sont des thèses différentes ! Une autre remarque, la guerre du Kosovo avait un aspect idéologique, un aspect de légitimation de l’OTAN, et Jean Bricmont y était tellement opposé, son analyse n’était tellement basée sur une analyse concrète de la Yougoslavie qu’il ne connaissait pas mais sur la légitimation qu’elle apportait à toute guerre future au nom des Droits de l’Homme, s’il fallait légitimer la destruction du Droit International au nom des Droits de l’Homme, il y avait donc infiniment plus de raison d’attaquer l’Irak ou l’Afghanistan où la situation des Droit de l’Homme était pire qu’en Yougoslavie ou au Kosovo, où la situation n’était pas si grave que ça, comparée à d’autres endroits sur la terre. Dans une analyse marxiste : la classe dirigeant, la bourgeoisie n’est pas un sujet, n’est pas un individu, et une erreur qu’il remarque chez tous les marxistes et aussi chez tous les sociologues, à attribuer des propriétés individuelles à des entités abstraites, comme la bourgeoisie, comme les états… Ce sont des analogies et seuls les individus ont des désirs, des intentions, des idées et souffrent… Il n’y a donc pas de sujet… Même s’il y en avait un, l’avenir est incertain et imprévisible. Et les conséquences de nos actions sont imprévisibles. Personne n’avait prévu ce qu’il allait se passer lors de la guerre en Irak, ni les Américains, ni les Sionistes qui l’ont initiée. Personne n’a réellement prévu ce qui allait se passer. Il y a eu une guerre civile interne à l’Irak qui n’était pas prévue. Quelqu’un lui a un jour dit que la classe dirigeante sait tout, contrôle tout et est parfaitement cynique. Monsieur Bricmont n’est d’accord qu’avec la dernière partie de la phrase. Si la bourgeoisie gérait tout et contrôlait tout, si le monde était réellement géré en fonction des intérêts matériels, il ne serait pas très beau, mais il serait peut-être bien meilleur qu’il ne l’est.

  • Q8 : Ce qui est dérangeant, c’est la tendance à réduire le domaine de l’irrationnel ou le domaine de l’idéologie à des cadres normatifs spécifiques et c’est la religion et le nationalisme. On a tendance à attribuer, et spécifiquement dans la religion, et ça, c’est dans des domaines gauchistes, on a tendance à attribuer des domaines de l’irrationnel intrinsèquement liés à la religion et qu’on les voit moins dans d’autres cadres d’idéologie, par exemple dans le cadre de l’humanitaire, dans les Droits de l’Homme ou dans le cadre libéral. On voit cette tendance là revenir et c’est très problématique, parce qu’on approche le cadre humanitaire, quand on reconnaît qu’il peut être justifié à des fins problématiques. C’est important de voir comment nos propres cadres peuvent être en même temps missionnaires que les cadres religieux, que les autres cadres. La discussion a eu tendance à réduire l’idéologie, à se focaliser surtout sur les cadres religieux.

  • Q9 : Une supposition serait que les guerres auraient une espèce d’être suprême qui les déciderait. La façon de schématiser la réponse économiste à la cause des guerres, c’est de dire que les guerres sont faites pour des raisons économiques. C’est comme si quelqu’un décidait que c’est bien pour des raisons économiques qu’on fait des guerres. Mais ce n’est pas ça du tout ! Pourquoi se fait-il que telle idéologie prenne le dessus sur telle autre ? Dans l’histoire, l’idéologie a fonctionné de façon globale, diffuse pour des raisons économiques. Pour des raisons non pas réfléchies et donc cette idéologie a pris le dessus effectivement pour des raisons économiques.

  • Réponses : Jean Bricmont utilise le mot ‘religion laïque’ ou ‘religion sans dieu’ pour dire des doctrines qui sont défendues au-delà de toute raison. Il pense que toutes les religions sont défendues au-delà de toute raison dès le début et pourrait donner des arguments en faveur d’une forme de communisme qui ne serait pas vraiment avec le même dynamisme, le même enthousiasme que les militants maoïstes, staliniens qu’il y a eu dans le passé ; là il y a un aspect religieux… Il pourrait donner des arguments en faveur du sionisme, mais il y a des différents degrés dans le fanatisme, dans ce genre d’idéologie. Il insiste dans son livre sur le rôle de l’idéologie dans la destruction des mouvements de paix et des mouvements de gauche. Maintenant on manifeste contre l’expulsion de réfugiés en Afghanistan, mais pas contre la guerre en Afghanistan, et ça c’est typique de l’évolution de la gauche. L’Irak, c’est compliqué, mais il est de plus en plus convaincu que le pétrole n’a joué aucun rôle dans la guerre en Irak. La thèse marxiste que l’idéologie est autonome et déterminée en dernière instance par l’économie. Il peut y avoir une autonomisation de l’idéologie, où les raisons idéologiques rentrent en conflit avec les intérêts de la classe dominante ici et maintenant mais évidemment pas à long terme, et c’est important de comprendre cela si on veut agir sur la question du Moyen-Orient, de se rendre compte de ce que l’on appelle islamophobie ou toute cette agitation n’est pas réductible à des questions économiques.

 


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